CARNET DE BORD DES SPECTACLES PEKIN 2006-2007
Pékin est une ville en passe de devenir une ville mondiale, au même titre que Paris ou New York, etc. Elle grandit au niveau économique, voit sa population croître en même temps que sa richesse des cultures augmenter. Il va de soi que Pékin est une ville de spectacles, de théâtre, et de cinéma !
Avec les différentes organisations étrangères présentes a pékin, on a déjà une grande sélection de spectacles et de films du monde entier, je pense bien sur au Centre culturel français et italien, les festivals comme Croisements ou celui du Jazz ou le panorama du cinéma français. Ceux-ci ont lieu tous les ans, et viennent s’ajouter les spectacles et pièces de théâtre de troupes du monde, comme récemment, la TNT avec son spectacle Oliver Twist. Sans compter tous les spectacles présentes par des moines de Shaolin, les opéras chinois et les acrobates qui remplissent les soirées pékinoises.
Cette année de théâtre nous a donc permis de ne pas rater quelques bons spectacles !
Enfin… On peut dire qu’on a mal commencé puisque nous sommes tombés dès la première sortie en groupe sur un show de ce cher Monsieur Jean-Claude Meurisse que nous avons tant adoré…
Si, si ! Il était très rigolo…
DES DEBUTS DIFFICILES
On était partis pour voir “Bons Baisers de Jules Verne”! Le mystérieux voyage…
Une belle affiche avec trois personnages sur une moto dans une position amusante et « Jules Verne » dans le titre, c’est prometteur ! Une belle occasion de revisiter l’univers de cet auteur talentueux.
La salle est remplie, le spectacle va commencer. Déjà, on remarque un piano dans le noir en plein milieu de la scène et on se questionne sur la mise en scène. Bizarre, ce piano qui gênerait le jeu des acteurs, surtout s’il y a une moto !
Le spectacle débute par un morceau de piano après une brève introduction sur le monde de Jules Verne. La musique était acceptable jusqu’au moment où intervient le chant de monsieur Jean-Claude Meurisse. Dès la première chanson, on se regarde, on sursaute, on fronce des sourcils. On se demande bien ce qu’on fait là, et ce qu’il fait là surtout !
Impossible de décrire la nullité de ce show ! Parce qu’il m’est déjà impossible de m’en rappeler un seul morceau, les paroles sont complètement passées à travers mon esprit.
La femme d’un seul homme, la fille de Lao Cai… ah ! Que de chansons d’amour ridicules, avec des paroles et des rimes évidentes et peu recherchées. Il prétend parler de l’amour comme Jules Verne l’aurait fait !
Bel exemple pour les jeunes ! J’en connais qui vont se demander pourquoi ils fourniraient tant d’efforts dans leurs études alors qu’il suffit de savoir jouer un peu de piano et créer des chansons ringardes pour faire une tournée de représentations en Asie !?
Oui ! Car ce monsieur a fait une tournée dans toute l’Asie. Décidément, on a décidé de donner une belle image de la France…
En bref, c’est un spectacle sans intérêt, une affiche trompeuse, une heure de torture auditive, un homme perdu qui chante sur l’amour d’une manière naïve. Entre les chansons, il arrive qu’il cite Jules Verne et parle de lui, histoire de justifier le titre de son spectacle…
Si vous voulez vraiment le voir chanter, attendez l’année prochaine : « Bons Baisers de Sartre » ; spectacle proposé pour les 40 ans de la mort de Sartre…
Voilà donc le récit de notre première sortie en groupe, plutôt décevante. Sans trop tarder, on entendait la rumeur qu’il y aurait eu un imprévu et que le spectacle d’origine, qui était bel et bien sur Jules Verne, aurait été annulé et remplacé en dernière minute par le show de ce cher Monsieur Meurisse. Cette rumeur s’est révélée fausse lors de notre voyage à Hong Kong, où tout le monde à raconté la même aventure de torture auditive dans leur pays respectifs.
UN PETIT REMONTANT
Heureusement, nous avons eu de quoi oublier Monsieur Meurisse avec la troupe TNT, qui nous a marqué nos esprits lors d’une soirée consacrée a la représentation d’Oliver Twist.
Oliver Twist a toujours gardé un certain charme aux yeux du public. Il est toujours joué en masse dans le monde entier. Il arrive que certaines troupes y apportent un élément nouveau.
Par exemple, la troupe TNT, connue pour mélanger les arts de la scène, donne une nouvelle peau cette pièce.
D’abord, le jeu est travaillé avec précision, on a pu y voir du mime par exemple, et chaque personnage était magnifiquement joué, expressifs, malins, fourbes… Tous les traits de ces personnages mondialement connus étaient reconnaissables : Fagin, le vieux manipulateur et père adoptif ; Oliver, innocent et plein de vie ; Nancy, sentimentale et Dodger, leader du groupe et le plus malin.
L’espace était savamment utilisé, avec pour décor principal un gibet à pendaison a multifonctions : entrée de chez Fagin par « la trappe de la mort », mur pour accrocher le linge, sous-sol d’immeuble, lit et bien sûr lieu de pendaison…
Avec la sortie récente du nouveau film d’Oliver Twist, leur pari était sans doute de faire revenir l’intérêt au théâtre. L’utilisation de chants et de danse, parfaitement intégrés à la pièce, la font revivre magnifiquement. Une sorte de revanche prise sur le cinéma.
Le chant intervient à des moments forts du spectacle, pour raconter l’histoire ou faire la narration. Un personnage va chanter son texte pendant que les autres vont faire des rythmes derrière, faire la musique. Ils permettent aussi de relâcher la tension dans cette pièce assez sombre. Tous les acteurs chantent, et lorsqu’ils le font, il n’y a plus de personnages, la scène devient un tableau avec des instruments de musique humains, les lumières s’adaptent à l’ambiance, les acteurs se rassemblent, font le chœur derrière le chanteur principal, et le public admire. Et juste après, on retourne dans la pièce par une transition très fluide.
Il n’y a d’ailleurs pas un seul moment ou la scène est vide. Il y a toujours une transition, par le chant, ou la danse.
Un autre élément qui rend cette pièce vivante est donc la danse. Ce n’est pas non plus de la valse ou du rock’n’roll mais les acteurs dansent plus ou moins lorsqu’ils chantent, pour rendre le chant encore plus expressif. On peut considérer les déplacements simples comme de la danse aussi, avec des petits sauts ou déplacements quatre pattes, rendant une atmosphère étrange, tirée de cet univers souterrain du travail au noir d’enfants de l’époque.
De plus, la danse et le chant apportent tous deux de l’humour : un brin d’air frais dans le monde triste d’Oliver Twist. L’interactivité avec le public étant le meilleur exemple.
Le policier qui accuse un spectateur directement et ne le lâche pas fait rire la salle, de même lorsqu’il remonte sur scène tel un enfant trop petit, en balançant sa jambe sur scène pour ensuite s’y hisser. Dodger, le plus malin des petits pickpockets, va jusqu'à piquer le sac d’une personne du public, et, une fois remonté sur scène le lui rend en disant qu’il n’y a rien d’intéressant dedans.
Voici des éléments humoristiques qui sont propres à la troupe TNT, et avec le chant et la danse, le jeu d’acteurs parfait, on comprend mieux pourquoi la TNT est une troupe très connue et qu’elle parcourt le monde pour des représentations tout au long de l’année.
LE THEATRE FILME
Nous avons aussi eu l’occasion de voir du théâtre filmé, comme Hamlet de Peter Brook ou Le Fil à la patte, de Feydeau une mise en scène filmée par George Lavaudant.
Mais est-ce encore du théâtre ? Peut-on filmer une œuvre théâtrale ?
Dans le cas de la pièce de Lavaudant, plusieurs indices montrent que c’est bel et bien une pièce de théâtre : on retrouve un semblant de scène où la camera serait à la place du public, de sorte que nous, spectateurs au cinéma, ayons, comme un public de théâtre, le même angle de vue. De plus, le fait qu’il n’y ait que des plans perpendiculaires à la scène, et aucun plan pris sur la scène (la caméra n’a pas été placée sur la scène pour filmer) nous ferait croire que ce que l’on voit est une pièce représentée, spontanée, dans un théâtre, et qui a été filmée.
Seulement, on n’y trouve plus les caractéristiques du lieu théâtre. On va voir une pièce de théâtre pour bien sûr regarder un spectacle, une représentation, mais aussi pour l’ambiance, la scène, le rideau, le décor, les lumières, tout un ensemble de caractéristiques propres au théâtre qui font qu’aujourd’hui, on ait pas abandonne cet art.
De plus il avait deux décors principaux dans cette pièce : le salon et le couloir avec les escaliers. Les changements de ces deux décors au théâtre seraient longs et difficiles à réaliser, vu qu’ils étaient grands et prenaient tout l’espace. Voilà un autre manque par rapport à ce que l’on trouve au théâtre, les changements de scène font partie d’un tout qui lui donne son charme.
Cependant, il y a tout de même une grande différence avec le cinéma : les acteurs jouent comme au théâtre, c’est-à-dire en articulant, ne parlant pas quand ils se déplacent, quand l’un parle, l’autre écoute et ne déconcentre pas le spectateur… Les codes du théâtre sont gardés, on a bien cette impression de spontanéité, renforcée par le fait que chaque scène était continue, sans coupure, sans changement de plan.
Au cinéma, les acteurs parlent sans forcément articuler, il y a bien plus d’action, des plans différents… Oui, on peut dire que ce film de Lavaudant est bien du théâtre, c’est simplement un théâtre filmé, mais pas du cinéma pour autant.
Prenons l’exemple de Cyrano de Bergerac, pièce de théâtre à l’origine, qui à été transformée en un film, qu’on ne peut plus caractériser de pièce de théâtre, il n’y a aucune des caractéristiques de celui-ci, c’est un film basé sur une œuvre théâtrale.
Le film de Lavaudant garde en somme les caractéristiques d’une oeuvre théâtrale.
Ce n’est pas tout à fait le cas pour le film Macbeth de Peter Brooke. On peut encore le caractériser de théâtre grâce aux codes apparents du théâtre, comme précédemment : les acteurs jouent comme au théâtre, comme pour la pièce de Lavaudant, et d’ailleurs, ils jouent très bien. Le problème de ce théâtre filmé est selon moi le fait qu’il y ai trop de plans différents.
Comme on y retrouve les caractéristiques du théâtre, il faut pouvoir laisser au spectateur la liberté qu’il a lorsqu’il est dans une salle de théâtre, c’est-à-dire regarder ou bon lui semble. Ce qui est filmé ici n’est pas du cinéma car on n’a pas essayé de bourrer toute l’action dans l’image, on n’a pas travaillé avec précision les détails qui doivent l’être au cinéma (comme les expressions, les réactions faciales, les yeux…). Il y a trop de plans rapprochés, trop de gros plans, et pas assez de plans larges, d’ensemble. Comme les acteurs jouent comme au théâtre, ils ne se soucient pas tellement d’être expressifs au niveau du visage. Ce qui est essentiel pour garder l’intérêt du spectateur de film. On est donc perturbés par cela en regardant le film et l’on aimerait bien voir le plan d’ensemble. Il y a un genre de frustration à ce niveau-là. C’est en tout cas ce que j’ai ressenti.
Cette frustration est cependant compensée par l’excellent jeu des acteurs et la mise en scène colorée et atypique. Un autre élément original de cette pièce est la sélection d’acteurs, notamment avec Adrian Lester dans le rôle d’Hamlet), Jeffery Kissoon était Claudius, le spectre, Natasha Parry jouait Gertrude, Bruce Myers,Polonius, le fossoyeur, Scott Handy, Horatio et Shantala Shivalingappa en tant qu’Ophélie. Que d’acteurs de nationalités différentes qui font que « roi de hollande » perd son sens, on pourrait voir une représentation de la vie en général, quelle que soit la nation.
Voilà pour le théâtre filmé que nous avons pu voir cette année. Je vais terminer ce carnet des spectacles par l’analyse d’un spectacle chinois moderne, américanisé et éblouissant.
UN ART TRADITIONNEL TRANSFORME
Le théâtre chinois comporte plusieurs genres, les plus connus et les plus répandus sont les acrobaties et l’opéra. Depuis l’ouverture de la Chine, ce théâtre s’est de plus en plus inspiré des cultures occidentales, Notamment le cinéma. Le show « La légende du Kung Fu » est un bon exemple.
Beaucoup d’éléments de ce show ont étés inspirés de films hollywoodiens, transcris a la chinoise. Prenons d’abord les lumières qui étaient, dans ce spectacle, très utilisées et très techniques. Des effets de lumière, d’ombres inondaient la scène et qui faisait penser a un film bourré d’effets de beauté. La musique était très kitsch, reprenant une mélodie bien connue en Chine. La bande son est directement inspirée d’Hollywood, tellement la mélodie est réutilisée, dans plusieurs styles selon le moment de la pièce.
La musique jouait un rôle très important dans la diffusion des sentiments.
L’histoire était en elle-même plutôt connue en chine, mais le fait que la pièce soit muette est assez novateur en Chine, c’est une inspiration occidentale claire.
On a pu remarquer une tendance à reproduire le réel, tant les décors et effets spéciaux étaient bien faits, précis et compréhensibles : toits des maison en taille réelle, escaliers, passerelles, sol ouvrant, avec plate-forme ascenseur… Le feu est en fait un tissu cousu en tunnel très long fixé a une turbine a air. Le tissu dandine et donne un effet de flammes, des lumières rouges accentuent l’effet. Il y avait aussi une grande utilisation des machines a fumée, parfois peu être un peu surchargées, créant un peu trop de fume, ce qui entra les premiers rangs parfois dans le brouillard.
La scène était divisée en deux espaces, un a l’avant, prenant toute la largeur de la scène et ou l’action se déroulait, mais il y avait souvent un deuxième espace, derrière, notamment avec la passerelle avec des lumières l’éclairant a contre-jour, donnant un effet de complexité de la scène, éblouissant le spectateur.
Le public visé est plutôt occidental, notamment les groupes touristiques, mais les chinois sont aussi intéressés par ce genre de shows.
Personnellement, j’ai vu ce spectacle grandir.
En effet, ayant vécu a Pékin depuis l’age de moins d’un an, j’ai grandi avec la ville et sa culture. Au début, dans les années 80, ma mère me raconte que ce genre de spectacles était généralement dans la rue, une simple série d’acrobaties. Dans les années 95-2000, époque où j’ai commencé à fréquenter les théâtres chinois assez souvent, c’était déjà des acrobaties plus complexes, mais en salle, cette fois !
On avait alors l’intervention des lumières, mais juste pour éclairer la scène, il y avait le petit orchestre sur scène, improvisant la musique pour les acrobaties, et l’on voyait un semblant d’histoire apparaître.
J’étais choqué de voir ce qu’était devenu le spectacle en 2007, car a vrai dire, je n’y étais pas retourné depuis au moins cinq ans. Et c’est ce que j’ai décris plus haut, un mélange de traditionnelles acrobaties, mélangées a une histoire romantique à la Jean-Claude Meurisse, et des effets de lumière, de fumée, de lasers, a couper le souffle, venus directement de Hollywood… Ou à éblouir et dégoûter, selon les avis.
Nous avons aussi vu d’autres représentations comme de l’Opéra de Pékin : Le Village Hu Jiazhang, Nao long gong (le palais du dragon tumultueux), Le roi singe (extrait du Xi you ji :Voyage au Royaume de l’Ouest, roman classique chinois).
A chacun sa vérité de Pirandello par l’atelier adulte de Hong Kong, lors des rencontres théâtrales au lycée Ségalen de Hong Kong.
Théâtre sans animaux de Jean Michel Ribes. Nous avons vu une première représentation en chinois par une troupe locale et une deuxième en français par la troupe des Lanternes. Nous avions aussi assisté a leur repetition. Traduction et mise en scène de Ning Chunyan, notre intervenante pour l’option théâtre de cette année.
Le Soir de la générale, mis en scène par Nabil El Azan, d’après une nouvelle de Claire Béchet, avec Anny Romand, suivi d’une rencontre avec le metteur en scène et avec l’actrice.
Lecture au Centre Culturel Français : Le Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry.
Lecture à deux voix avec Anny Romand et Liu Chang.
Cette année de spectacles était très enrichissante. Même si nous n’avions vu qu’une seule pièce cette année, elle aurait été enrichissante, parce que toute représentation apporte un point de vue nouveau au théâtre et la vie en général ! Sans exception ! Oui, même Jean Claude Meurisse nous a montré l’exemple à ne pas suivre, c’est très enrichissant ! On a vu en une heure tous les défauts d’une représentation à éviter ! En plus de cela, nous avons eu une grande sélection de représentations cette année qui nous ont apporté beaucoup, sans oublier les rencontres théâtrales pour couronner le tout.
